L’inde, le pays de l’évolution à deux temps

     L’avantage de vivre dans cette maison est que l’on peut avoir de longues discussions avec Suvarta et sa sœur Priyana!

     Suvarta est une jeune fille de 24 ans qui vient du bidonville de Malad où nous travaillons. Elle a apparemment toujours eu la volonté de réussir et de continuer à étudier le plus longtemps possible. Depuis toute petite alors qu’elle devait faire des petits boulots après l’école pour pouvoir aider financièrement sa famille, elle a toujours trouvé le temps d’étudier et de faire ses devoirs. Étant l’une des plus motivées et à l’avenir le plus prometteur elle a eu l’occasion de venir vivre chez Pierre. Aidée financièrement par l’association et hébergée par Pierre elle a donc pu étudier dans de bonnes conditions et s’apprête à rentrer en dernière année de Master en Social Studies (équivalent d’études dans le social). Venant elle-même d’un bidonville, ayant connu les difficultés sociales et ayant eu la chance d’étudier elle veut à présent aider les autres. Elle se rend donc régulièrement dans les villages où la vie diffère totalement de celle de Bombay et où les différences sont accrues et les conditions de vie plus que difficiles.

Au fil des discutions elle nous aide à comprendre ce pays qu’on visite et elle nous explique comment ça se passe ici.

L’inde est une puissance économique émergente où beaucoup d’argent circule. La croissance économique est fulgurante et des fortunes se créent jour après jour. On pourrait donc supposer qu’avec cette ouverture sur le monde les esprits évoluent et les mœurs changent mais malgré cela de nombreuses inégalités demeurent. La corruption continue de sévir et les différences persistent.

     L’inde est un pays où de nombreuses religions cohabitent : hindous, bouddhistes, musulmans, protestants, chrétiens…

      C’est pays où les castes existent toujours (et ce malgré une loi du gouvernement mais on continue à demander la caste des gens pour les inscriptions scolaires etc… donc une loi uniquement destiné à rassurer le reste du monde ???). Votre caste définit si vous venez d’une communauté riche ou d’une communauté pauvre. Mais vous pouvez tout à fait venir d’une caste pauvre et être riche (médecin, avocat, buisness man…). Le seul moyen de changer de caste est de changer de religion. En devenant protestant par exemple on peut accéder à une caste supérieure.

Par contre les castes et les religions ne se mélangent pas. Ils cohabitent mais hors de question que des personnes de religion ou de caste différentes puissent se marier !

Deux exemples concrets de crime d’honneur (oui ici ça existe encore !)

–          Un garçon et une fille de deux villages différents s’enfuient à Bombay pour se marier. Ils font l’erreur après un certain temps de retourner au village et finissent lapidés.

–          Un garçon de 16/17 ans est amoureux d’une fille d’une caste supérieure à la sienne. La famille de la fille l’apprend et donc tue ce jeune homme. (ça s’est passé la semaine dernière).

     La religion occupe une place très importante dans la vie des Indiens. Malheureusement la plupart du temps ils confondent culture et religion en prétextant que certaines mœurs sont du à la religion alors que ce sont uniquement des coutumes indiennes (depuis quand chez les protestants il est important de se marier avant 25 ans  par exemple ?). Bref la religion sert de prétexte à beaucoup de choses. Par contre dans leurs religions (contrairement à chez nous) on n’entend jamais parler d’amour, de respect (sauf envers la famille et le père qu’il faut respecter), de tolérance … des principes qui sont pourtant la base de bon nombre de religions.

Lorsqu’on parle avec certains indiens ils nous disent qu’en Europe nous ne respectons rien. Nous sommes de moins en moins de croyants et de pratiquants et nous ne respectons donc pas nos familles. Cette image qu’ils ont des « blancs » nous a beaucoup surpris venant de quelqu’un qui marie sa fille de force et choisit son gendre en fonction de critères financiers. Que l’on puisse donner notre avis, faire nos propres choix et aller à l’encontre de l’opinion de nos parents est pour eux un manque de respect. Nous n’appelons pas ça manque de respect mais liberté (d’expression). Nous constatons donc que notre idée de la religion et son interprétation est totalement différente.

     Le statut de la femme en Inde est plus que déplorable. Les filles sont considérées comme des boulets par les familles (surtout par les hommes, il faut bien le reconnaitre). Elles obligent les parents à économiser pendant des années afin de pouvoir apporter une bonne dote le jour du mariage. Elles sont donc c’est un poids financier et lorsqu’elles se marient elles partent vivre dans la famille du mari. Elles ne rapporteront plus d’argent et ne pourront même plus s’occuper de leurs parents lorsqu’ils seront âgés. Il n’y a donc aucun intérêt à éduquer les filles. Une expression ici dit qu’éduquer sa fille c’est un peu comme labourer le champ du voisin. Belle comparaison !

Dans tous les cas la fille sera donc une charge dont ils ne pourront tirer aucun bénéfice. Quant au fils ainé c’est en lui que les parents mettront tous les espoirs car c’est à lui que reviendra la charge de s’occuper de ses parents lorsque ceux-ci seront vieux. Il est donc contraint à habiter avec ses parents toute sa vie. Quant à l’heureuse élue qui aura la chance d’épouser un fils ainé elle sait qu’elle habitera toute sa vie avec sa belle famille.

Depuis quelques années on interdit aux parents de connaitre le sexe de l’enfant avant la naissance. Le nombre d’infanticide envers les filles était tellement grand que l’Etat a du mettre cette loi en application.

     Ici le mariage arrangé est toujours en vigueur et est à mon avis le problème majeur de ce pays. Même si on nous dit à la télé que c’est de moins en moins pratiqué, c’est peut être le cas dans la haute bourgeoisie mais pour 90% de la population c’est toujours comme ça que ça se passe. Imaginez le casse tête que c’est de trouver un mari ou une femme dans ce pays !

Il doit avoir une bonne situation (plus ou moins équivalente à celle de la fille. Enfin toujours meilleure car on n’épouse pas une fille qui a un meilleur niveau d’étude ou un meilleur job que l’homme…question d’honneur !), il doit être de la même religion et de la même caste. Il doit être proposé par un membre de la famille pour être certain que c’est une bonne personne et….c’est déjà pas mal !

Pour les garçons comme pour les filles c’est quasiment impossible de choisir son futur mari ou sa future femme. C’est une histoire de famille et plus que tout d’argent. Contrairement à ce qui fait le mariage chez nous, ici l’amour n’est pas pris en considération. Il n’en n’est même aucunement question (à part dans les centaines de feuilletons du genre feux de l’amour que les filles regardent à longueur de temps faits uniquement d’histoires d’amour tragiques, de tromperies, de trahisons et d’amours impossibles).

     La famille de la fille doit également apporter une dote (normalement interdite par la loi mais impossible à vérifier donc ça continue). Suvarta nous explique que lorsqu’elle devra se marier elle devra apporter tout les meubles et l’électroménager dont ils auront besoin mais aussi le linge de maison et les vêtements (à supposer qu’ils puissent avoir un logement à eux et non pas vivre avec la famille du garçon – ce que redoute le plus Suvarta mais qui arrivera probablement).

Suvarta nous explique que cette situation lui pèse énormément mais que dans ce malheur elle a tout de même de la chance. Elle fait des études donc elle gagne quelques années et sa famille n’a pas d’argent pour sa dote car seule sa mère travaille pour subvenir aux besoins de 4 personnes (son père a arrêté de travailler il y a bon nombre d’années et se porte bien mieux en restant à ne rien faire à la maison). Après ses études elle va donc devoir travailler pendant quelques années afin de pouvoir réunir l’argent nécessaire à son mariage. Elle gagne de ce fait encore quelques années mais sa famille commence déjà malgré tout à se renseigner pour un éventuel futur gendre car à 24 ans il devient urgent pour elle de se marier. Elle devra donc peut être se marier puis rembourser sa dote après le mariage.

     Un handicap de plus pour Suvarta est qu’elle a la peau beaucoup plus foncée que sa sœur. Ici la peau claire est un critère de beauté important. Elle aura donc beaucoup plus de mal à se trouver un mari et devra payer une plus grosse dote. Sa famille lui répète également depuis sa plus tendre enfance que sa sœur aura plus de chance de faire un bon mariage qu’elle grâce à sa peau plus claire. D’ailleurs lorsque Suvarta rencontrera son futur gendre et sa famille ils cacheront sa sœur sinon les parents ne voudront plus que leur fils épouse Suvarta mais plutôt sa sœur Priyanka. Allez savoir pourquoi, ici, les filles font tout pour s’éclaircir la peau et avoir le teint le plus pale possible et chez nous les femmes font des UV et passent des heures au soleil afin de la foncer ???

Quand je parle avec Suvarta, sa sœur ou d’autres filles du bidonville toutes me disent que j’ai de la chance de ne pas être mariée. Qu’elles préfèreraient rester seules et qu’elles espèrent se marier le plus tard possible. Que j’ai de la chance car David fait à manger, met la table, débarasse, fait la vaisselle et qu’ici ça serait inenvisageable (haha …David serait-il l’homme parfait ? Aux yeux des Indiennes c’est certain !).

Le mariage est le thème principal et en même temps le plus grand sujet d’inquiétude des jeunes filles. Le futur époux est proposé par les oncles, parents ou amis proches de la famille. Les futurs époux n’ont le droit de se rencontrer qu’une ou deux fois avant le mariage. Si vraiment ça ne colle pas et que ce rendez-vous se passe mal ils ont le droit de donner leur avis et de refuser cette personne mais à mon avis on ne doit pas leur en présenter 50 vu la difficulté à trouver quelqu’un de sa caste, de sa religion et du même statut social !

On a donc demandé à Suvarta comment il était possible qu’après tant de génération de couples malheureux les parents continuent malgré tout à répéter ce système avec leurs enfants. Elle a dit connaitre des familles où les parents ont accepté que leurs enfants se marient avec quelqu’un d’une religion ou une caste différente de la leur et au final ce sont les parents qui se sont vus reniés par la famille et rejetés par tous leurs amis et leur communauté. Alors faute de pression sociale trop élevée et regard des autres trop important ils continuent à perpétuer cette tradition. Les parents préfèrent donc « vendre » leurs enfants (car ici le mariage est une histoire d’argent uniquement) au sacrifice de leur bonheur et de leur bien être juste pour paraitre bien aux yeux des autres et ne pas être critiqués. Ca nous parait tellement loin de notre mode de pensée. Dans notre société combien de parents se sacrifieraient pour le bonheur de leurs enfants ?

Avec notre mentalité occidentale on se dit mais mince, rebellez vous les jeunes ! Dites merde à vos parents, trouvez un job, économisez puis prenez vos clic et vos clacs et cassez vous ! Mais bon apparemment ici ça ne fonctionne pas comme ça … il faut respecter les parents.

Des milliers de personnes se retrouvent donc mariés à quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, qu’ils n’aiment pas, les filles doivent vivre avec la belle famille la plupart du temps sans aucune intimité et tout ça pour une histoire d’argent et d’apparence. Ca nous dépasse totalement.

     Durant ces 15 jours à Bombay ce qui nous inquiétait le plus était le choc qu’on risquait d’avoir en travaillant dans le bidonville. Au final cette partie aura été la meilleure de notre séjour à Bombay. Ce qui nous a par contre choqué c’est d’en apprendre tant sur cette culture machiste et patriarcale qui dénigre la femme en suivant des principes moyenâgeux.

Mes propos choqueront peut être certains d’entre vous mais le vrai choc a été pour nous de voir les conditions de vie de ces filles et la mentalité des hommes. Les hommes ici sont tellement fiers, sont tout puissants et ont une image de la femme (indienne ou occidentale) déplorable. La femme indienne est bonne a rester à la maison s’occuper des enfants, faire à manger, à tenir la maison et aller chercher l’eau au puits (toutes les corvées hyper sympa !). Aucune galanterie n’est d’usage ici. Un homme peut voir une femme ou fille porter des charges de provisions ou d’eau il n’ira certainement pas l’aider à porter (chose constaté lorsque les filles revenaient des courses de rentrée et avaient des sacs pleins à craquer qu’elles portaient péniblement à bout de bras sous le regard impassible des hommes les regardant passer sans bouger).

Quant aux femmes occidentales elles sont le symbole de la dépravation et de la luxure. La chose qu’on trouve la plus gênante en Inde est le regard des hommes. Ils vous dévisagent des pieds à la tête et peuvent vous fixer pendant plusieurs minutes fixement sans aucune gène. Imaginez vous dans le train fixé par 5/10/15… personnes pendant de longues minutes. Vous avez juste envie de disparaitre, de vous cacher ou de leur hurler dessus. Idem dans la rue. Il n’y a que dans le bidonville où nous nous sentions vraiment bien. Ils étaient habitués à voir des blancs, ils savaient qu’on venait pour aider. Les hommes étaient très courtois, les femmes souriantes et reconnaissantes du temps que l’on passait avec leurs filles et les enfants nous faisaient la fête à chaque fois que l’on arrivait.

Cette expérience au sein du bidonville mais surtout au sein d’un foyer avec des indiennes aura été extrêmement enrichissante. Nous avons passé de super moments avec les fillettes et avons appris énormément sur la culture indienne avec Suvarta et sa sœur Pryianka. Malheureusement ce que nous en avons appris ne nous aura pas donné une bonne image du pays. Cette mentalité et la culture indienne est beaucoup trop différente de la notre pour que nous arrivions vraiment à comprendre et à accepter ce qui se passe ici. Au quotidien nous avons pu voir à quel point il est difficile d’être une fille en Inde. Nous admirons le courage de Suvarta et de Priyanka. Ces deux filles sorties des bidonvilles et pour qui le fait d’étudier est un moyen à long terme de changer l’avenir des filles Indiennes. Elles ont accepté leur destin qui les voue à un mariage arrangé mais elles espèrent s’assumer en travaillant et changer le destin de leurs futurs enfants en leur laissant le choix qu’elles même ne pourront avoir. Ainsi il faut espérer qu’au fil des générations et avec beaucoup de temps les choses changeront et les femmes Indiennes arriveront à s’imposer dans cette société de l’homme roi.

     Nous partons donc de Bombay avec de bons souvenirs du temps passé avec les fillettes. La rencontre avec Pierre, Suvarta et Priyanka aura été l’une des meilleure du voyage. Et bien que choquant, ce que nous avons appris ici nous fait réfléchir à la chance que nous avons d’avoir pu grandir dans un pays comme la France.

Après cette première étape nous quittons Bombay afin de passer 15 jours à visiter le Radjasthan, les palais des Maharadjas… et espérons pouvoir faire un peu abstraction de tout ce que nous avons appris sur la culture indienne afin de pouvoir profiter au mieux de la fin du voyage…

Première semaine en Inde

Voilà un peu plus d’une semaine que nous sommes arrivés à Bombay.

Dans la maison où nous vivons tout se passe à merveille. Une fois les moustiques tués et malgré la chaleur nous passons de meilleures nuits et même le matelas nous semble à présent confortable. Nous nous sommes également habitués à la douche, ça donne un petit côté « rustique » à nos journées quant à la nourriture c’est un réel plaisir de passer à table. On alterne entre cuisine Indienne et cuisine Française … dans les deux cas, un vrai délice. Suvarta, une des filles qui vit ici et qui a plus ou moins notre âge nous mijote de bons petits plats et me donne de super leçons de cuisine !

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Au menu, poulet massala, Palak paneer (un curry d’épinards à la crème et au fromage !), butter chicken… Pierre, le gérant de l’association a été nous chercher du bifteck, oui oui en Inde on peut tout de même trouver du bifteck ! Hier soir on s’est cuisiné un steak sauce au poivre et pates au fromage, un menu dont on rêvait depuis des mois ! Puis un peu de viande nous a fait beaucoup de bien car la première semaine, on a du faire sans. Donc une semaine sans viande ni poisson de quelque sorte ça commençait à faire long ! On a compensé avec des œufs mais bon… On est tout de même heureux d’avoir mangé un bon bifteck !

Concernant le climat il fait chaud ! Très chaud, très très chaud ! On boit des litres d’eau, de soda, de tchai (thé local avec une base de lait) et on passe notre temps sous les ventilateurs.

Pierre a une voiture ainsi qu’un chauffeur donc pour les déplacements au quotidien tout va bien. La conduite à Bombay est un vrai sport mais sans aucune règle donc pour un occidental, s’il ne veut pas risquer sa vie, il prend un chauffeur ! On se cale donc dans la voiture avec la clim et on se laisse conduire mais dès qu’on sort de la voiture c’est de nouveau l’étuve. En général on prend la voiture tous les après-midi pour se rendre au bidonville. Départ 15h, arrivée au bidonville 15h30. Au bout d’une semaine, les enfants commencent à s’habituer à nous voir et donc viennent facilement à notre rencontre : « Hello Uncle », « Hello Didi », « how are you ? » « Drawing today ? » (dessin aujourd’hui ?).

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Comme c’est les vacances scolaires,Pierre se fait arrêter tous les 500 mètres car les parents lui remettent les bulletins des enfants dont l’association s’occupe. Il vérifie ensuite les résultats de chaque enfant pour savoir si elles redoublent ou non et ainsi savoir ce qu’il faudra acheter comme fournitures scolaires. C’est Suvarta à la maison qui lui fait la traduction des bulletins.

Pierre est un peu celui qu’ils viennent voir quand ils ont un problème avec la scolarité, quand il y a des choses qu’ils ne comprennent pas mais aussi quand ils ont des problèmes médicaux.

A chaque fois qu’on arrive, on sait qu’on se fera arrêter pour un problème ou un autre. Aujourd’hui une fille est venue nous voir pour qu’on adopte et qu’on emmène avec nous en France sa petite nièce car ses parents sont décédés et il faut que quelqu’un s’occupe d’elle. Tant bien que mal on a du lui expliquer que sa petit nièce était adorable mais que ça n’était pas possible, qu’on ne pouvait pas l’emmener avec nous si simplement et que nous n’avions pas les moyens pour l’adopter. Quant on lui a expliqué elle a semble -t-il compris et gardé le sourire. Elle ne semblait pas surprise de notre réponse ni déçue mais je pense qu’elle a voulu tenter, au cas où… Quand un membre de la famille décède ou ne peut plus s’occuper d’un enfant, d’autres membres de la famille le prennent en charge sans plus de problème que ça. Mais je ne pense pas qu’ils aient conscience de ce que ça représente administrativement d’adopter un enfant. On ne peut pas juste se pointer à l’aéroport avec un gamin sous le bras sans aucun papier et dire qu’on l’a trouvé, qu’il était mignon et sans parents et donc qu’on l’emmènerait bien avec nous…

Passé ces moments là on se retrouve bien vite au chaud dans notre petit local avec 25 à 30 filles à occuper pendant 1h30/2h. Des fois les activités plaisent, des fois moins… Avec les peu de moyens du bord, les activités se composent toujours d’une base de coloriage. Alors on module : Une fois des masques, une fois des fanions, une autre fois des cocottes en pliage, des poissons avec des bouteilles d’eau…

IMG_4275

IMG_4051  IMG_4086Comme elles sont nombreuses et qu’on n’a pas assez de matériel pour toutes et surtout qu’elles n’ont pas toutes le même âge donc les mêmes aptitudes on doit préparer bon nombre de choses à l’avance. Tous les découpages doivent être faits. Si on donne des ciseaux à l’une, toutes les autres vont immédiatement aussi en vouloir et ça devient ingérable.

Je ne sais pas si ça vient du fait qu’elles soient des filles donc souvent mises à l’écart, qu’elles vivent avec très peu de moyens et donc peu de biens matériels à elles mais dès qu’on distribue le matériel nécessaire aux activités ça devient n’importe quoi ! Elles voient pourtant depuis 10 jours que nous avons assez de pochettes, assez de feuilles et assez de crayons pour tout le monde mais dès qu’on commence à distribuer elles se lèvent toutes et hurlent en tendant la main « Uncle Me ! » « Didi Me ! » pour être la première servie. A chaque fois on leur demande de s’asseoir et on leur répète qu’il y en aura pour tout le monde mais rien n’y fait. Jusqu’à ce que la dernière soit servie ça crie et ça se bouscule. Ensuite vient la guerre des crayons ! On a deux grosses boites de pastels gras, une grosse boite pleine de crayons de couleurs et une boite de feutres … mais là encore c’est la guerre ! Elles veulent toujours la couleur de la voisine, elles veulent le pastel plutôt que le crayon de couleur. De vraies enfants quoi !!! Par contre on a fini par supprimer les feutres. Elles adorent s’en servir mais sont incapables de remettre le bouchon. Résultat ils trainent sur la nappe que nous mettons par terre pour qu’elles s’assoient, tâchent la nappe et finissent par sécher. On leur a expliqué plusieurs fois comment faire, on leur a répété plusieurs fois qu’il n’y aurait plus de feutres si elles n’y faisaient pas plus attention mais rien n’a changé… donc plus de feutres pour le moment ! C’est comme pour les autres enfants, elles doivent comprendre que tout a un coût et même si c’est nous qui ramenons les feutres, ils ne sont pas gratuits donc il faut en prendre soin. Pour certaines nous avons également remarqué qu’elles étaient dans une optique de consommation même en ce qui concerne les activités. On leur donne un dessin, elles vont s’empresser de le colorier quitte à le bâcler pour en avoir un autre et un autre et un autre… D’autres au contraire vont s’appliquer, prendre leur temps, trouver les bonnes couleurs, ne pas dépasser. Sur la trentaine de filles qui viennent au quotidien certaines ont des caractères vraiment très différents. Mais toutes, une fois le dessin fini, sont fière de nous appeler pour pouvoir nous le montrer. « Didi finish », « uncle finish » (en levant bien haut leur dessin). Je ne sais pas combien de fois par jour nous disons « beautiful », « nice », « good », « verry beautiful », « I like the colors »… mais on le dit vraiment souvent !!! Et à chaque fois elles ont le sourire !

Après ces après-midi bien animées on peut ranger tout notre bazard et repartir sous des tonnes de « bye uncle, bye didi » « see you tomorrow » « tomorrow come ? ». Des mamans sont également présentes tous les jours. Elles passent soit dire bonjour ou au revoir, soit elles restent toute la séance (aujourd’hui une maman a même discrètement participé à l’activité coloriage et nous a fièrement montré son dessin à la fin). Comme quoi ça intéresse les filles de tous âges !

Retour vers 17h30 à la voiture et direction la douche !! Après avoir sué pendant 3h c’est juste du bonheur ! Puis repos et préparation de l’activité du lendemain.

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Le soir David arrive à veiller assez tard mais pour ma part je tombe de sommeil hyper rapidement. Entre le peu de protéines dans la nourriture et les conditions de vie ici (chaleur, bruit, saleté…) ainsi que les quelques mois de voyage qu’on a derrière nous je sens que mon corps a besoin de plus de repos. Lorsque l’on en n’a pas l’habitude (même après 4/5 mois en Asie) le bruit dû à la circulation et la chaleur peuvent vite être très fatiguant. Mais bon, on tient le coup et on reste plein de motivation.

Combien de filles ici auraient besoin d’un parrain ou d’une marraine Français(s) afin de pouvoir financer leurs études ? Peu importe dans quel pays on vit on se rend bien compte qu’au final c’est bien l’argent le nerf de la guerre.

L’association en est un exemple concret. Il y a quelques années elle était aidée par de nombreux financeurs : laboratoire pharmaceutiques, groupe pétroliers, banques… L’association pouvait alors aider énormément d’enfants. Ils avaient de vrais locaux pour les accueillir, leur dispensaient des cours de dactylographie, d’anglais, de peinture sur mains (henné), d’électricité, d’informatique, de couture, de broderie, de danse et avait deux classes d’anglais et deux classes d’informatique. Après la crise tous les investisseurs se sont désengagés faute de « budget ». Il subsiste encore une classe d’informatique mais le peu d’argent qui reste vient des donateurs particuliers en France et de parrains et marraines qui aident les filles afin de financer l’achat de matériel scolaire ( et pour avoir été faire les achats avec elles, on s’est rendu compte qu’il leur en fallait du matériel ! Bientôt plus qu’en France. Elles repartent du magasin avec des monts de livres et de cahiers en tout genre, on était super impressionnés !).

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Sans l’association, les fillettes que vous voyez ci dessus n’auraient pas la possibilité d’aller à l’école et de se payer tout ce matériel!

L’arrivée au pays de la moustache!

Comme vous avez pu le remarquer, ces derniers temps j’ai ris un peu de retard dans le récit de notre voyage. Si ça vous convient je vais donc reprendre le récit en Inde (là où nous venons d’arriver) et revenir plus tard sur le Cambodge et le Vietnam.

Nous sommes donc le lundi 28 Avril et nous partons cet après midi pour l’Inde.

En attendant l'avion

En attendant l’avion

Dernier repas Thaï

Dernier repas Thaï

 

Notre programme durant ce prochain mois sera de rester deux semaines à Bombay afin d’aider une association : L’AFIPE, Association Franco-Indienne pour l’éducation puis prendre le temps pendant les deux dernières semaines de visiter un peu la région du Rajasthan avec pour étape finale New-Delhi.

 

L’AFIPE : http://afipe2004.wix.com/afipe#!

Le but de cette association est de s’occuper des fillettes du bidonville de Malad-Bombay en leur trouvant des « parrains et marraines » qui les aident à financer leurs études afin d’avoir une chance un jour de trouver un bon travail et sortir du bidonville.

A la période où nous arrivons, ce sont les vacances scolaires. Le but sera donc de s’occuper des fillettes et de les divertir une partie de la journée. Tous les matins nous préparerons des activités que nous leur proposerons l’après-midi.

Vous vous demandez certainement « Pourquoi uniquement les filles? »… la réponse est très simple. En Inde, les femmes sont beaucoup moins considérées que les hommes. Ils sont en général très machos et sont privilégiés dès le plus jeune age. Il est donc très important de s’occuper des filles exclusivement afin de leur permettre à elles aussi d’évoluer et d’avoir des meilleures chances dans la vie.

 

L’arrivée à l’aéroport se passe sans problèmes, on embarque à temps, bref tout va bien. L’avion est classe, on nous sert boissons à volonté, un repas qui est même plutôt bon (ce qui est assez rare dans les avions, il faut le dire!).

Le seul bémol vient de trois indiens sur excités derrière nous qui, quand même, parlent bien fort et nous empêchent de siester correctement! Quel scandale!héhé

Arrivés à Bombay, en sortant de l’avion, on sent directement la chaleur écrasante de cette ville démesurément grande et agitée. On est contents d’arriver bien que nous ressentions tout de même une certaine appréhension. On passe aux guichets de l’immigration afin qu’il vérifient nos visa et contrôlent un petit papier qu’on doit remplir dans l’avion avec quelques renseignements sur notre identité, les raisons de notre voyage en Inde, notre adresse sur place etc…

Seul hic, on ne connait pas l’adresse où on va résider ces prochaines semaines. Pierre, notre contact sur place s’étant chargé de nous trouver un logement mais nous ne savons pas où exactement. Comme il vient nous chercher à l’aéroport pas de soucis!

David avait juste écrit Bombay en adresse et à son guichet ça passe sans soucis, la femme contrôle à peine. Seulement le monsieur du guichet où je passe qui s’occupe de vérifier ce genre de papier ne voit pas ça du même œil. N’ayant rien noté, il me demande où je compte loger. Comme je ne sais pas je lui répond que notre ami nous attend et qu’il nous emmène chez lui. Mauvaise réponse! Mais qui est votre ami? Mais il vit où? Comment ça se fait que vous ne sachiez pas où vous logez? Nous avons absolument besoin d’une adresse! Avez vous son numéro de téléphone que nous puissions le contacter?

Je lui propose donc de trouver notre contact et de lui demander mais c’est trop simple! Et si on ne le trouve pas comment on fait? Je lui suggère donc de mettre sur la fiche que je loge au Bombay Hôtel et on n’en parle plus…ça ne le convainc pas. Il nous emmène donc gentillement vers le bureau de l’immigration afin de régler ce problème de grande importance! Plusieurs personnes défilent dans le bureau et à chaque fois c’est reparti pour les mêmes questions…Que faites vous ici? Comment s’appelle votre contact? Pourquoi n’avez vous pas son téléphone? Pourquoi ne connaissez vous pas l’adresse? Comment le contactez vous? …Un vrai sketch!

Non mais on rêve…même en Australie ou Nouvelle-Zélande ils n’ont pas été aussi relou!

On leur répète 20 fois que notre ami nous attend à la sortie avec un drapeau Français et que lui saurait les renseigner. Il aura donc fallu 3/4 d’heure de questionnements et d’attente pour qu’enfin une femme arrive dans le bureau et ait l’idée d’aller demander à notre contact l’adresse où nous logeons! Bref je ne m’étendrai pas sur le sujet mais je n’en pense pas moins….

Toujours utile qu’ils ont été très sympa et courtois. On a commencé à s’inquiéter quand on a rencontré un Indien qui vivait depuis 10 ans en Australie qui nous a dit qu’il attendait dans ce bureau depuis 13h (il était à ce moment là 18h). Le seul conseil qu’il nous aura donné est d’être patients et de rester détendus…tu m’étonnes! Sauf qu’au plus le temps passait au plus on avait peur que notre contact ne nous attende pas ou croit que nous avions manqué l’avion…et dans ce cas on n’aurait vraiment pas eu d’endroit où loger. Mais finalement, grâce à cette femme on a pu récupérer notre adresse et nos bagages! Ouf!

Nous voilà donc bel et bien arrivés à Bombay. Pierre un monsieur de 80 ans bien tassés nous attend affectivement avec une pancarte du drapeau français et nous voilà partis avec son chauffeur direction « la maison ». Il vit dans une petite maison qu’il loue. Le propriétaire se garde normalement une pièce en rez-de-chaussée qu’il a bien voulu nous louer à prix d’or pour les deux semaines que nous passerons ici.

Quelle n’a pas été notre surprise au moment de la découverte des lieux…! Notre chambre est donc une pièce sombre, aux murs écaillés mais joliment décorés de petites crottes de geckos (petit lézard). Notre lit est un semblant de matelas plus vraiment neuf à même le sol, les draps sont propres même si quelques tâches persistent. Les seuls qui se réjouissent sont les moustiques qui ne tarderont pas à faire de nous un vrai vrai festin!

Notre nouvelle chambrette

Notre nouvelle chambrette

En ce qui concerne notre salle de bain privative, mis à part le fait qu’elle n’ait pas vu la couleur de l’eau depuis bien longtemps je ne comprenais pas pourquoi il y avait une grande bassine et une cruche sous un robinet … j’en ai vite compris l’intérêt lorsque j’ai vu que rien ne coulait du pommeau de douche!

Pour contraster avec tout ça notre accueil a vraiment été chaleureux. Le soir nous avons pris le repas avec Pierre et deux filles (maintenant étudiantes) qui vivent chez lui : Suvarta et Madina.

Au menu pour les Français: Poulet et petits pois suivi d’une glace au chocolat et du rosé bien frais! On s’est régalés!

Après une bonne nuit de sommeil…(mais non je rigole!) disons plutôt après une nuit à chasser les moustiques et à étouffer sous les draps censés nous protéger, nous partons au petit matin faire des courses. Quand Pierre nous a dit qu’il nous emmenait dans un supermarché qui ressemblait un peu à carrefour et où on trouvait de tout une flamme s’est rallumée en moi! Je vais enfin pouvoir cuisiner, trouver plein d’ingrédients et choisir différents produits. Ca fait rire David de me voir toute excitée à l’idée de retrouver un vrai supermarché comme on n’en n’a pas vu depuis des mois! Une fois de plus j’ai été trop optimiste… le « supermarché » ressemblait en fait plus à « chez Aziz » au coin de la rue qu’à Auchan Grande-Synthe. Imaginez une fois de plus ma tête en voyant ça…décomposition! De plus, le choix de produits non avariés étant plutôt limité, on s’est contentés de pâtes, riz, légumes et ketchup! Trois tomates, deux carottes et un poivron plus tard nous voilà en route pour une première visite du bidonville.

J’avoue que je commence u peu à stresser.J’ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas supporter ce que je vais y voir ou y sentir mais bon maintenant qu’on s’est engagés on va aller jusqu’au bout!

Entrée du bidonville de Madar

Entrée du bidonville de Madar

La première chose que l’on remarque est la saleté des lieux. Lorsqu’il n’y a pas de ramassage des ordures d’organisé comment voulez vous faire? Alors ça traine un peu partout. On marche au milieu des détritus, des cochons, des biquettes, on enjambe des « rigoles d’évacuation » de liquides en tout genre et on prie pour que sa tongue ne glisse pas!

Ici aussi on est super bien accueilli. Les adultes nous sourient et les enfants courent de partout pour nous dire bonjour. Les « hello didi » (bonjour tantine) et « hello uncle » (bonjour tonton) fusent de toutes part. On ne sait plus où donner de la tête, on sert plein de mains et on ne fait que répéter nos prénoms car la grande question est « what’s your name? ». Pour David pas de soucis, avec la prononciation anglaise ils connaissent. Par contre Elodie c’est plus compliqué à prononcer donc ça sera « elo like hello ». Ça les fait rire et c’est plus simple!

On découvre ensuite le « local » où on fera les activités avec les fillettes. Des semblant de marches construites en pierre nous mènent à une pièce sans toit ni porte avec des moitiés de murs…heureusement à partir du début d’après-midi une partie du local est à l’ombre donc ça sera moins pénible que sous le soleil de plomb.

Quelques filles dans le local

Quelques filles dans le local

Les premières filles arrivent (mais aussi de nombreux garçons bien curieux de savoir ce qui va se passer dans ces lieux). Elles sont une dizaine et cet après-midi on leur proposera du coloriage. Pierre a imprimé des dessins sur une feuille qu’elles n’auront plus qu’a colorer à leur guise. Opération réussie!

Le lendemain c’est coloriage et origami: on apprend à faire des cocottes! Nouveau succès et 15 filles de plus!

Par contre il va nous falloir beaucoup d’imagination car tenir 15 jours avec du papier, des coloriages, des feutres et des pastels pour seuls outils en essayant de divertir des filles de 3 à 11 ans c’est un peu compliqué! Le mode « Centre Aéré » à 30 enfants dans 12/15m2 au milieu du bidonville sans les aides du Conseil Général c’est pas la même chose!

Mais bon pour l’instant les filles semblent bien s’amuser et nous on passe de bons moments avec elles donc ça atténue le côté pesant d’être au milieu d’un bidonville. Ce qui fait également plaisir est l’implication des maman qui viennent régulièrement voir ce qui se passe, proposent de nettoyer le local, nous invitent à prendre le thé et nous sourient constamment.

Ce qui est surprenant c’est que même au milieu de cet environnement si peu propice à l’ordre et à la pureté ces femmes sont toujours d’une propreté irréprochable et magnifiquement apprêtées. Moi je veux leur secret! A chaque fois qu’on revient de là bas je me sens toute poussiéreuse, ça me picotte de partout et je ne rêve que de ma douche (même celle avec le pichet!).

Ce soir, pour notre quatrième soirée à Bombay, Suvarta a décidé de nous préparer un poulet Massala. Je suis la préparation avec attention (vous trouverez la recette d’ici peu dans la rubrique « recette » du blog) pour que vous puissiez vous aussi en profiter et la refaire chez vous! Vous verrez c’est délicieux!

Notre chef en action!

Notre chef en action!

Après ce long récit de notre arrivé, je vous laisse car on a des papillons à préparer pour l’activité de demain!

Une volée de papillons en papiers

Une volée de papillons en papiers

David en plein travail

David en plein travail

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ps: le titre vient du fait que la première chose qui m’a marqué en arrivant en Inde est le port de la moustache quasi obligatoire pour les hommes. Autant chez nous le port de la moustache n’est pas ce qui a de plus tendance (bien que…) autant ici c’est carrément un incontournable. Même dans leurs clips musicaux super tendance à la télé les petits « minets » l’arborent fièrement…comme quoi il faut de tout pour faire un monde!